Le Journal du Recouvrement

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Peut-on refacturer les frais de recouvrement à ses clients ?

Dans la rubrique Se faire payer : les bonnes pratiques

 

charges.jpgFace à un débiteur récalcitrant, voire de mauvaise foi, le créancier n’aura généralement pas d’autres choix que d’engager des frais pour le convaincre de remplir son obligation de paiement. Que ce soient les honoraires d’un avocat, d’un huissier de justice ou ceux d’un cabinet de recouvrement de créances, ces frais sont légitimement supportés par le donneur d’ordre (le créancier). Peut-il néanmoins en réclamer le remboursement à son client indélicat ? B to C versus B to B, clause pénale, article 700 du CPC…, sont autant de paramètres à prendre en compte. Tour d’horizon des règles applicables en matière de prise en charge des frais de recouvrement.

 

Le particulier protégé par le Code de la consommation

Dans son article L 111-8, le Code des procédures civiles d’exécution impose que « les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier ». Il ne semble donc pas envisageable pour un créancier de réclamer à son client le paiement des frais de recouvrement. Seul un titre exécutoire (jugement ou ordonnance rendu par un tribunal) peut obliger un débiteur à supporter ces frais.

 

Par ailleurs, l’article 12 de la loi Hamon du 17 mars 2014 va plus loin que le simple rejet de cette prise en charge par le débiteur. Complétant les dispositions du Code de la consommation, cet article protège en effet le particulier en sanctionnant lourdement la pratique consistant à un professionnel du recouvrement de réclamer un montant supérieur à la dette en principal. Les sanctions prévues sont de deux ans d’emprisonnement et jusqu’à 300 000 € d’amende. Il s’agissait de protéger en priorité les consommateurs contre les abus de certains professionnels du recouvrement peu scrupuleux, et les pratiques déloyales des « chasseurs de dettes ».

 

La vente en BtoB moins contraignante pour le créancier

Cette règle vient néanmoins en contradiction avec l’article L 441-6 du Code de Commerce, qui précise, depuis le 1er janvier 2013 que « tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret (40 €). Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification ».

 

En d’autres termes, un créancier ayant engagé des frais de recouvrement suite à un retard de paiement est donc depuis le 1er janvier 2013 autorisé à les refacturer à son client (professionnel) sur présentation d’un justificatif. Cet article s’oppose bien aux dispositions vues plus haut, mais ne concerne que les seules créances commerciales (BtoB).

 

Pour résumer, contrairement aux créances civiles, les frais exposés pour le recouvrement d’une facture adressée à un professionnel, sont dus par le débiteur dès la date d’échéance dépassée. Cette règle, mal connue des entreprises, est fondamentale en matière de lutte contre les retards de paiement. Même si ces frais restent difficiles à récupérer comme on peut l’imaginer, la menace de faire gonfler significativement « l’ardoise » donne un réel poids aux relances à l’amiable du créancier. Gare désormais aux éventuels frais de recouvrement !

 

Aussi, pour répondre à la question de la prise en charge des frais de recouvrement, il faut bien dissocier la créance civile de la créance commerciale. Si la loi Hamon protège le consommateur, et interdit à tout créancier de réclamer des frais de recouvrement en sus du principal, le Code de Commerce autorise clairement cette pratique à l’égard d’une entreprise débitrice.

 

La règle applicable en cas de procédure judiciaire

Cette distinction entre créance civile (BtoC) et créance commerciale (BtoB) n’a d’intérêt qu’en phase amiable. Muni d’un titre exécutoire, le créancier n’a pas à se soucier du statut de son client (particulier ou entreprise). Quel que soit le profil du client, il est en effet de coutume que la juridiction saisie condamne le débiteur à régler au créancier l’ensemble des dépens (frais de greffe, actes huissier notamment).

 

Par ailleurs, les honoraires d’un avocat seront également réclamés au débiteur condamné conformément à l’article 700 du Code des procédures civiles. En engageant une procédure judiciaire, l’entreprise ayant gain de cause fera donc supporter, en grande partie, les frais de procédure et de recouvrement à son débiteur.

 

Anticiper les difficultés et se protéger

Faut-il pour autant se contenter de rester sur ces dispositions d’ordre public vues plus haut (Code de commerce, Code des procédures civiles) et/ou une éventuelle décision de justice favorable pour réclamer le paiement des frais de recouvrement ? Certainement pas.

 

L’entreprise peut se protéger contre les retards de paiement, en intégrant dans ses CGV, une clause pénale. Celle-ci, dont les termes sont laissés à l’appréciation de l’entreprise, permettent généralement d’inclure une compensation financière en cas de non-respect des délais de paiement par le débiteur. Paraphée par le client, cette clause a le mérite de clarifier la situation et de lever tout doute sur le montant des demandes additionnelles réclamé au débiteur défaillant.

 

Pour conclure, le recouvrement de créances, épilogue financier d’une relation client, n’en est pas moins une matière juridique dès lors que le créancier est confronté à une difficulté. Utilisés à bon escient, ces rappels à la loi donneront du crédit aux actions de recouvrement et accentueront la pression sur les « mauvais » clients.

 

 

Philippe Bernis (Direct Recouvrement) - A lire également sur Les Echos Solutions



28/09/2017
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