Le Journal du Recouvrement

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Déclaration de créance au passif d’un débiteur : quelles sanctions en cas d’irrégularité ?

Dans la rubrique Les procédures judiciaires

 

3658.jpgLes dirigeants et leurs avocats le savent : lorsqu’une entreprise soumise au statut des procédures collectives est placée en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, il appartient à tout créancier de produire une déclaration de créance au passif du débiteur entre les mains du mandataire judiciaire, dans un délai de deux mois à compter de la publication au B.O.D.A.C.C. du jugement d’ouverture de la procédure pour le créancier établi en France. Conçu afin de purger rapidement et efficacement les questions qui intéressent le passif, le mécanisme de la déclaration de créance peut s’avérer redoutable à l’égard du créancier indélicat qui ne respecterait pas la procédure et les délais applicables.

Les sanctions varient en cas de déclaration hors délai ou irrégulière

On sait tout d’abord qu’en vertu de l’alinéa deux de l’article L. 622-26 du code de commerce, la créance déclarée hors délai est jugée inopposable, tant envers la procédure qu’à l’égard « des personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie pendant l’exécution du plan », à moins que le créancier ne soit relevé de sa forclusion par le juge-commissaire selon l’alinéa premier de ce même article. La créance n’en est pas éteinte pour autant mais seulement jugée inopposable tant que l’exécution du plan arrêté par le tribunal est en cours.

Mais qu’en est-il de la créance irrégulièrement déclarée dans les délais ?

Par un arrêt rendu le 4 mai 2017 (Cass. Com., 4 mai 2017, n°15-24854), la Cour de cassation répond qu’une telle créance est éteinte en visant l’article L. 624-2 du code de commerce, selon lequel le juge-commissaire « décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence » au vu des propositions du mandataire judiciaire.

 

En l’espèce, une banque avait prêté son concours à un débiteur ensuite placé en procédure de sauvegarde judiciaire, ce sur quoi la créance a été déclarée au passif de la procédure dans les délais. Le débiteur a, pour s’opposer à l’admission de la créance de la banque, soulevé l’irrégularité du pouvoir du signataire de la déclaration de créance devant le juge-commissaire, avec succès, dans le cadre de l’examen des créances déclarées au passif. La banque, qui avait pris la précaution de se faire consentir un nantissement sur le fonds de commerce de son débiteur, a décidé de renouveler son inscription. Le débiteur, souhaitant s’affranchir de cette sûreté, a saisi le tribunal afin qu’il statue sur l’extinction de la créance et, par voie de conséquence, lui a demandé de faire radier cette inscription.

 

La question de droit qui se posait à la cour d’appel était donc de savoir si la créance était éteinte ou, le cas échéant, seulement inopposable à la procédure comme en matière de déclaration hors délai. La solution n’allait pas de soi, à tel point que la cour d’appel avait jugé que  « la créance n’est pas éteinte mais seulement inopposable à la procédure ».

 

Saisie de la question, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en affirmant solennellement « qu’en statuant ainsi, alors que l’article L. 624-2 du code de commerce, qui prévoit que le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, ne distingue pas entre les différents motifs de rejet d’une créance déclarée, de sorte que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est, au sens du texte précité, une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l’extinction de la sûreté qui la garantissait, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

 

En somme, la Cour de cassation affirme que la sanction de la créance irrégulièrement déclarée dans les délais est l’extinction pure et simple de cette créance avec, naturellement car elle en est l’accessoire, l’extinction de toute sûreté qui la garantissait. Telle était d’ailleurs le sort de la créance déclarée hors délai avant le 1er janvier 2006, date d’application de la loi de Sauvegarde de 2005, qui était éteinte, mais qui est devenue seulement inopposable à la procédure pour les procédures ouvertes à compter de cette date.

Bien que les délais pour déclarer soient stricts, il est impératif de s’assurer du pouvoir de la personne chargée de procéder à cette formalité pour le compte du créancier, afin d’éviter de voir la créance de ce dernier et les sûretés la garantissant frappées d’extinction.

 

L’enjeu n’est pas neutre puisque, contrairement à la créance régulièrement déclarée hors délai, la créance affectée d’un vice tel que le défaut de pouvoir délégué au signataire ou encore adressée à une autre personne que le mandataire judiciaire n’est pas seulement inopposable à la procédure et aux garants pendant l’exécution du plan, mais se trouve à jamais irrécouvrable.

 

 

Par Yoni Weizman - A lire également sur Les EchosSolutions



13/09/2017
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